People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 25/02/2019

Rencontre avec Allan Mauduit

C’est par une belle soirée de printemps, en plein mois de février, que le cinéaste Allan Mauduit est venu nous en dire plus sur son premier film en solo : Rebelles. A la croisée de la comédie et du polar.

Quelle est le point de départ de cette comédie ?
Tout a commencé un soir, chez moi, il y a 5 ans, devant une conserve de thon. Je la regardais et je me suis demandé combien de boîtes il faudrait en tout pour dissimuler un corps entier. A partir de cette interrogation, mon esprit a commencé à vagabonder. Puis j’ai laissé mûrir l’idée pendant quelques temps, alors que j’étais occupé par la série Kaboul Kitchen. Plus tard, je suis allé voir un auteur et nous avons couché ensemble sur le papier un scénario.

Comment en vient-on à se poser ce genre de question et à se dire que cela pourrait faire un film ?
Une idée de film tombe sur le coin de la tronche sans prévenir. Et il faut savoir la saisir quand elle arrive. Il ne faut pas forcément chercher à comprendre. C’est comme cela. Pour le coup, ici je pense que cela doit venir de vieilles réminiscences de films vus dans le passé.

Comment avez-vous constitué votre casting ?
Lorsqu’on n’est pas un cinéaste connu et reconnu, c’est difficile d’enrôler des comédiens. Moi, j’ai tout de suite su que je voulais Cécile de France, Yolande Moreau et Audrey Lamy pour incarner mon trio de femmes. Et j’ai eu une chance extraordinaire car elles ont toutes accepté sans sourciller. Pour incarner Sandra, cette Miss Pas-de-Calais, Cécile de France me paraissait parfaite. Par son allure, son physique, mais aussi parce qu’elle même porte en elle cet héritage familial populaire. Cerise sur le gâteau, c’est une actrice belge et les Belges ont un quelque chose en plus qui me plait. C’est donc la même chose pour Yolande Moreau. Elle me semblait idéale pour interpréter Nadine car elle est crédible en mère de famille, capable d’utiliser un fusil. Elle peut oser ce genre de folies. Concernant le personnage de Marilyn, il me fallait quelqu’un de punk dans l’esprit, avec une énergie dingue. Qui de mieux qu’Audrey Lamy un tel rôle. Enfin, après notre collaboration dans Kaboul Kitchen, j’étais très heureux de retrouver Simon Abkarian. D’autant que l’idée de lui confier un personnage un peu foireux me plaisait. En fait, il représente, en quelque sorte, dans le film les hommes d’aujourd’hui, coincés entre leurs réflexes dominants et cette nouvelle page qui s’ouvre peu à peu, sur laquelle ils doivent désormais écrire l’histoire sur un pied d’égalité avec les femmes. 

Pourquoi avoir choisi de situer l’action dans le nord de la France ?
Dès le départ, j’avais situé le scénario dans le nord car c’est à Boulogne-sur-Mer que se trouve le plus grand port de pêche de France. Puis, le nord est le terrain de prédilection, en France, des films sociaux donc cela m’amusait d’ancrer sur ces terres mes trois héroïnes prolétariennes, pour les mener peu à peu dans un polar un peu barré. 

Etait-ce un postulat de départ de mélanger les genres ?
Je ne voulais absolument pas d’une comédie classique. Du coup, j’ai un peu tout voulu tenter. Rebelles est mon premier film en solitaire. Il est donc la somme de tous mes désirs d’enfant, d’ado et d’adulte. Je ne me suis rien interdit. D’autant que s’il s’agit de mon premier film, cela peut aussi être mon dernier. J’ai donc voulu me faire plaisir.

A quel point le scénario était-il écrit ?
Le scénario était très écrit car, de mon point de vue, c’est la meilleure manière de se lâcher ensuite sur le tournage. Après, lorsque je suis sur le plateau, je ne suis plus le scénariste, je suis spectateur et cela ne me pose aucun problème de laisser les comédiens se livrer à quelques petites impros. Certaines me font mourir de rire et sont conservées. 

Peut-on parler de buddy movie ?
Pas vraiment. Ce n’est pas un film de copines. Déjà parce que ce n’est pas ce que dictent les personnages. Au départ, Sandra n’est pas amie avec Nadine et Marilyn. Et elle n’en a pas l’intention. C’est donc davantage une histoire sur la façon dont se gagne une amitié. Sur les obstacles à passer pour y parvenir.

La violence est également présente dans cette comédie, comment avez-vous aborder cela ?
La question de la violence s’est posée évidemment et j’ai décidé de ne pas avoir peur de cela. D’autant qu’elle est un élément qui, finalement, amène la comédie. La violence est aussi pathétique que dangereuse dans mon film. C’est pourquoi j’aime qualifier Rebelles de comédie noire ou de polar rock’n’roll. Il fallait de toute façon que ce soit dingue. Aussi horrible que drôle. Que le film provoque des montagnes russes émotionnelles. Ce que j’aime particulièrement au cinéma.

Aviez-vous des références en tête au moment d’écrire et de tourner ?
Non je n’en avais pas. Cela étant, j’admire beaucoup de choses et de gens dans le cinéma. Beaucoup de réalisateurs m’inspirent depuis mon enfance. J’ai grandi avec le western, puis le western spaghetti. J’ai ensuite découvert les romans noirs américains avec Jim Thompson notamment. Si je devais citer un film qui m’a bluffé récemment, je dirais sans hésiter 3 Billboards, les panneaux de la vengeance. Sinon, Fargo est sans doute le film que je préfère. D’ailleurs sa phrase d’accroche promo était « Aurez-vous le courage d’en rire » et ça me plait particulièrement ce mélange drôle et noir.  

Quels sont vos projets dans les prochains mois ?
J’ai l’idée d’un nouveau film qui germe actuellement. Je ne vais pas tarder à me lancer dans l’écriture. Ce sera une comédie, probablement un road movie. Sinon, j’ai réalisé une série pour la télévision sur un autiste asperger. Là encore c’est sous la forme de la comédie, qui est le genre qui me convient le plus. Enfin, j’ai un projet d’un long métrage animé qui est en gestation depuis 14 ans et que j’aimerais concrétiser prochainement.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

 

 

 

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