Hong Kong, ville obscure et cruelle. Un détective privé aide son ancien partenaire à découvrir le meurtrier de son beau-père. Les détails de l'enquête montrent que le crime est parfait... ou presque.
In the mood for meurtre
Si la trilogie des Infernal Affairs, dont Les Infiltrés de Scorsese est un remake assez réussi, nous était déjà parvenue sur le tard, Andrew Lau et Alan Mak ne sont pas tellement plus vernis avec ce Confession of Pain, inédit sur les écrans français. L’occasion est belle, de ce fait, de découvrir le film en zone 2 chez MK2. Loin de se prendre les pieds dans le tapis de la redite, le trio Lau, Mak et le scénariste Felix Chong se renouvelle à loisir, tout en déclinant leurs thèmes de prédilection : Hong Kong sert ici de toile de fond à une nouvelle tragédie noire, opaque, qui va confronter deux frères de sang au fil d’une enquête intime, puisqu’elle survient alors que les deux flics, incarnés avec une égale élégance par Takeshi Kaneshiro (Le secret des poignards volants) et Tony Leung (In the Mood for Love), sont frappés de près par deux morts violentes : l’un, devenu détective privé, a sombré dans l’alcool après le suicide de sa femme, tandis que l’autre, récemment marié, vient d’apprendre l’assassinat sauvage de son beau-père, dont l’enquête semble un peu vite résolue. Réunis à nouveau, chacun va devoir exorciser ses démons et franchir largement les limites de la bienséance pour affronter la vérité en face. Si le scénario est plutôt bien ficelé, sans toutefois atteindre la rhétorique implacable d’Infernal Affairs, la « patte » Lau-Mak est néanmoins à débusquer dans la précision de la lumière et des cadres : le Hong Kong du duo est comparable au New York des Scorsese, dans cette faculté à générer une iconographie immanente qui fleure bon la carte postale, alors que tout y est fabriqué de neuf. En ce sens, les vues nocturnes de la ville sont instantanément « classiques », les appartements cossus, mais aussi les bas-fonds, sont d’une beauté paradoxalement autant documentaire que cinématographique. Le film commence fort, très fort même, enragé par une densité formelle et narrative qui peut déboussoler, là où l’exposition d’un film occidental durerait le triple du temps imparti. Point de suspense sur la longueur, puisque Felix Chong nous livre le coupable dès le premier quart du film, préférant de loin triturer ses protagonistes plutôt que ses situations : la violence est graduée, les personnages féminins assez approfondis, même si Shu Qi (Three Times, Le transporteur) aurait mérité un rôle moins caricatural. Malgré quelques lourdeurs de propos (notamment la métaphore de la camisole alcoolique), on suit volontiers l’enquête vers une rédemption quasi biblique qui fait la force du polar hongkongais. Côté support en revanche, on regrette amèrement (le mot est faible) que le scope d’origine ait été recadré dans un 1.85 de fait granuleux, en dépit des indications inscrites sur le jaquette. Les bonus, essentiellement promotionnels, ne rendent pas tellement plus hommage à ce polar de bonne facture et, comme souvent, assez inédit, ce qui est suffisamment rare pour ne pas s’en priver.
Jean-Marc Vigouroux