L’Inde rurale, de la fin du 19ème siècle. Une femme et ses deux enfants gardent une sorcière enfermée dans leur cave et doivent la nourrir chaque jour, si possible sans la réveiller. Celle-ci semble connaître l'emplacement d'un trésor qui fascine l'aîné, le jeune Vinayak, dont l'avidité tenace va se payer sur deux générations...
Attention, grosse sensation ! Loin des fleurons bollywoodiens, interminables et dansés, qui ravissent (souvent à juste titre) les mirettes des cinéphages occidentaux, voici l’antidote au star-system indien (aussi impitoyable que son modèle américain) : Tumbbad, ou le projet d’une vie, le film ayant été écrit développé sur 700 pages par Rahi Anil Barve en 1997 (il n’avait que 18 ans), avant d’être tourné en 2012 grâce au soutien de Sohum Shah, qui joue dans le film, puis jeté à la poubelle, entièrement réécrit et remis en boîte en 2015. Sur la base d’une légende horrifique, Tumbbad développe un récit en trois actes sur deux générations, de 1900 à 1945, sur le thème de la cupidité. Dans le village décrépit de Tumbbad, une mère et ses deux fils nourrissent une grand-mère monstrueuse, gardienne d’un trésor caché, afin qu’elle ne se réveille pas. Vinayak, l’ainé, élevé dans le mépris, le rejet, la violence et la haine, profite de l’absence de sa mère pour soudoyer le monstre : au fond d’un puits sous la maison se terre un dieu maudit, qui fera la richesse et le malheur de Vinayak au fil des ans. L’enfant, devenu adulte et son fils après lui, prendront tous les risques pour soutirer aux démons les pièces d’or dans un protocole aussi éprouvant que dangereux… Et le résultat à l'écran est incontestablement unique en son genre, grâce notamment au soutien des suédois de Filmgate, qui assurent les VFX (les entrailles carmin sont infernales à souhait), mais aussi à une toile de fond passionnante (l’indépendance de l’Inde côté campagne, l’argent roi, la place des femmes, la transmission du schéma familial et de ses tares). Tour à tour inquiétant, horrifique, quasi-documentaire et émouvant, le film de Rahi Anil Barve use de toutes les métaphores qu’offre la fable pour montrer que, hier comme aujourd’hui, ce ne sont pas les dieux mais bien les hommes qui construisent l’enfer sur terre. Somptueux.
Jean-Marc Vigouroux
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Hors Compétition au 37ème Festival du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF)
Remerciements : Jonathan Lenaerts et toute l’équipe presse du BIFFF.
