People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 06/01/2020

Rencontre avec Guillaume de Tonquédec et Eric Besnard

Le réalisateur Eric Besnard et le comédien Guillaume de Tonquédec sont venus nous en dire davantage sur leur nouvelle comédie, L’esprit de famille

Quel a été le point de départ de ce film ?
Eric Besnard : La mort de mon père a été lé déclencheur de ce film. Comment vivre, digérer, dépasser le deuil, la souffrance, l’absence. C’est de cela dont je voulais parler. Mon métier c’est d’écrire. C’est un besoin vital au quotidien pour moi. J’ai besoin de tordre le réel en racontant des histoires. J’ai donc voulu écrire sur le sujet. J’ai commencé par rédiger les prémices d’un livre. Mais au bout de 30 pages, je me suis dit que c’était absurde de passer par ce support alors que je suis metteur en scène et que mon père l’était aussi. C’est ainsi que L’esprit de famille a vu le jour. Et je vois un peu ce film comme la fin d’un trilogie, puisque ma mère avait été le point de départ de Mes héros et mon couple celui du Goût des Merveilles

Y a t-il une dimension véritablement autobiographique du coup ?
Eric Besnard : Malgré le point de départ très intime et personnel, je ne voulais pas du tout réaliser un film autobiographique. Cela ne m’intéressait pas. Mais je voulais tout de même que cette comédie rappelle le type d’humour qu’aimait mon père : René Char et les comédies anglaises en particulier. Ce qui me plait dans le fait d’aborder le sujet du deuil c’est que malgré le côté personnel de l’histoire, on touche ici à l’universel. 

Peut-on parler d’une comédie qui flirte avec le fantastique ?
Eric Besnard : L’esprit de famille n’est pas un film de fantômes, mais un un film sur le deuil. Un film sur les symptômes de la persistance de la présence des êtres-aimés disparus. Tout le monde est un jour confronté au deuil. Et quand un père, une mère, un proche décède, on a toujours cette dernière chose essentielle que l’on avait envie de lui dire et que l’on a pas eu le temps. A mes yeux, ce film est un peu cette dernière phrase que j’aurais souhaité dire à mon père. Comme le dernier tour de piste d’un artiste. Il traite de ces dernières minutes, ces dernières secondes, que l’on aurait aimé avoir avec l’être aimé pour lui dire ces quelques mots de plus...

Pourquoi avez-vous posé vos caméras en Bretagne ?
Eric Besnard : En fait, j’ai sillonné une bonne partie de la côte ouest jusqu’en Charente pour dénicher la maison que je voulais. Et c’est tout simplement en Bretagne, dans la baie de Quiberon, baignée par une très belle lumière, que je l’ai trouvée. Je voulais une maison suffisamment habitée pour donner l’impression d’avoir abrité une longue histoire familiale. Je voulais un côté patrimonial. Un lieu qui soit le foyer, l’arche de la famille. Par ailleurs, il fallait qu’elle soit suffisamment grande et donc lourde à porter pour une femme désormais seule. Enfin, je voulais aussi qu’il y ait un fort rapport à la nature autour et que l’on ressente un certain isolement. En résumé, il fallait que cette maison soit à la fois mélancolique et rayonnante.

Comment avez-vous confectionné votre casting ?
Eric Besnard : François Berléand est un bon ami et il était également ami avec mon père. Il avait joué sous ses ordres et déjà joué avec moi aussi dans Une belle âmeLe sourire du clown et Ca$h. C’est quelqu’un qui a été témoin de la nature de la relation entre mon père et moi. Pour cela, il me semblait essentiel qu’il soit présent dans ce film. J’avais déjà travaillé avec Josiane Balasko dans Mes héros et j’avais très envie de recommencer. C’est une comédienne formidable. Puis je trouvais très excitant de faire jouer ces deux comédiens ensemble, car en 45 ans de carrière ils ne s’étaient jamais retrouvés à l’affiche d’un film en commun. Sachant que, pour l’anecdote, Josiane Balasko avait proposé à François Berléand de rejoindre la troupe du Splendid et il avait refusé. Par ailleurs, cela faisait longtemps que j’avais envie de faire tourner Isabelle Carré. J’aime son jeu touchant, sa sensibilité. Enfin, j’avais besoin d’un comédien capable de susciter de l’empathie malgré le côté un peu désagréable, irascible de son personnage et Guillaume de Tonquédec me semblait idéal pour ce rôle.

Comment cela s’est passé sur le tournage entre les comédiens pour donner vie à cette famille ?
Guillaume de Tonquédec : Nous nous sommes tous très bien entendus, d’autant plus que nous nous sentions tous très impliqués par cette histoire. Nous étions tous au service de l’écriture d’Eric Besnard qui voulait rendre hommage à son père. Ce postulat bien particulier a joué. Il y avait beaucoup d’émotions, de pudeur sur le plateau. Car cela a beau être une fiction, il y a une dimension très personnelle et aussi un aspect universel. Le deuil nous touche tous donc nous nous sentions tous particulièrement concernés. Jouer le personnage que j’incarne était quelque chose de fort, sous le regard d’Eric. Cela a donné un supplément d’âme au tournage. Et je pense que cette communion se ressent l’écran. 

Etait-ce très écrit ou bien l’improvisation avait-elle sa place ?
Guillaume de Tonquédec : Etant tous, sur le plateau, des comédiens de théâtre, nous partagions cette culture qui consiste à être au service de l’auteur. En gros, nous pouvions parfaitement discuter avec Eric des répliques avant de tourner, mais ensuite nous connaissions notre texte parfaitement et précisément. 
Eric Besnard : Je ne suis pas un adepte de l’improvisation. En revanche, je suis tout à fait ouvert à la discussion et à tout changer s’il le faut avant. Je conçois que l’on puisse trouver mieux à dire que ce que j’ai écrit seul sur un bout de table. Mais une fois que l’on a dit « moteur », ça doit être précis. C’est fondamental.

La simplicité semble être une de vos marques de fabrique...
Eric Besnard : J’aime le fait de faire un film sans effets spéciaux, sans numérique. Je trouve que l’on en abuse trop depuis les années 80. Je voulais faire un film non pas esthétique mais beau, comme le silence d’un acteur par exemple. Ce qui m’enthousiasme c’est de traduire la puissance de la nature et le rayonnement des gens. J’aime la grammaire du cinéma. Bien éclairer un comédien, faire un plan en extérieur à la bonne heure, c’est pour ça que je fais ce métier. C’est la cinématographie et non l’esthétisme qui m’intéresse.

Aviez-vous des références en tête ?
Eric Besnard : J’aime le fait de rendre des hommages au cinéma que j’aime, consciemment ou inconsciemment. J’aime par exemple David Lynch, Richard Curtis, et cela se voit sans doute dans L’esprit de famille. Il y a aussi un clin d’oeil à Zorba le Grec de Michael Cacoyannis.

Avez-vous déjà de nouveaux projets sur le feu ?
Eric Besnard : Nous avons déjà tourné un autre film avec Guillaume dans la foulée de celui-ci. Avec également Grégory Gadebois, Isabelle Carré et Benjamin Lavernhe, il s’agit d’un film d’époque qui raconte la création du premier restaurant au XVIIIe siècle. Le restaurant est un concept éminemment français et sans doute notre plus grande invention. Le rapport à la nourriture peut être mis en parallèle avec le fait de prendre le temps de savourer un bon film à mes yeux. J’aime cette idée. Le film devrait sortir d’ici fin 2020.
Guillaume de Tonquédec : A titre personnel, la mise en scène au cinéma pourrait me plaire à l’avenir. C’est quelque chose qui m’attire et je pense que j’aimerais m’essayer à la direction d’acteurs. Reste à voir si j’en ai le talent. 

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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