People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 10/05/2016

Rencontre avec Olivier Ducastel et Jacques Martineau

Sept ans après leur dernier long métrage Juste la fin du monde, les deux réalisateurs Olivier Ducastel et Jacques Martineau reviennent sur grand écran. Théo et Hugo dans le même bateau relate les prémisses mouvementées d’une histoire d’amour entre deux hommes.

Quelle était votre envie avec ce nouveau long métrage ?
Olivier Ducastel : La première chose que nous voulions était de raconter le tout début d’une histoire d’amour entre deux garçons dont l’un est séropositif. Nous voulions voir comment le sida pouvait s’infiltrer dans la relation amoureuse, l’influer, créer des tensions et avoir des conséquences. L’idée était de voir si l’amour – naissant qui plus est - pouvait résister à cette épreuve. On voulait faire un film un peu fleur bleue.

Ce qui est marquant, c’est que votre film ne tombe pas dans le pathos malgré l’intrusion du sida entre les deux hommes…
Olivier Ducastel : L’annonce du sida aujourd’hui n’a plus le côté condamnation à mort d’il y a 30 ans. Cela crée de l’inquiétude évidemment mais on voulait montrer des personnages dans la gestion de leur peur. Tous deux prennent sur eux à leur façon car au fond ils veulent croire en leur histoire d’amour. Même si on a tendance à l’oublier, lorsque l’on est homo aujourd’hui, on vit avec cette menace planante. Cela fait partie de la vie, c’est quelque chose que l’on a intégré.

Pourquoi avez-vous choisi de réaliser un film en temps réel ?
Jacques Martineau : Souvent, nos projets mettent longtemps à se développer, on a donc imaginé différentes façons de raconter l’histoire. Mais, très vite, lorsque j’ai écrit le scénario, j’ai bizarrement senti qu’il fallait que je reste collé au maximum au personnage principal. Finalement, le choix du temps réel s’est donc imposé.
Olivier Ducastel : Le temps réel permet de densifier ce qu’il se passe entre les personnages. L’enchaînement des choses crée une tension dans la rencontre.
Jacques Martineau : On savait dès le départ que l’on allait partir sur un film sans argent et le temps réel a aussi l’avantage de simplifier un tournage avec beaucoup de plans séquences. C’est économiquement avantageux.

Vous avez donc eu des difficultés à trouver des financements ?
Jacques Martineau : En fait, on n’a pas vraiment cherché de financeurs parce qu’on savait qu’ils ne viendraient pas. Du moins ceux appartenant au circuit traditionnel. Le sujet pouvait faire peur et on ne nous faisait pas forcément confiance dans la manière de retranscrire l’histoire à l’écran. Cela nous a donc donné beaucoup de liberté et permis de faire ce que l’on voulait vraiment sans édulcorer notre vision des choses. Cela se traduit notamment par la scène explicite dans la backroom au début du film.

Etait-ce important pour vous de réaliser un film très réaliste ?
Olivier Ducastel : On voulait en effet que le film soit très réaliste, limite documentaire. On a donc fait de nombreuses recherches, on s’est beaucoup renseigné. On voulait être respectueux de la réalité.
Jacques Martineau : D’ailleurs, l’interne que l’on voit à l’hôpital l’est véritablement dans la vie. Ce n’est pas une comédienne, ce qui permet d’ajouter du réalisme à cette scène. Pour la consultation, elle a procédé comme elle a l’habitude de le faire dans la vraie vie. En général, on n’aime pas trop lorsque les choses sont approximatives dans les films que l’on voit même s’il s’agit d’une fiction.

Si le film est essentiellement focalisé sur Théo et Hugo, certaines rencontres viennent le ponctuer. Qu’apportent-elles à vos yeux ?
Jacques Martineau : On a conçu ce film comme une sorte de road movie et sa structure en est donc proche. D’où les différentes rencontres avec quelques personnages comme le vendeur de kebabs ou la dame du premier métro. Ces échanges permettent aussi de montrer que la relation amoureuse entre Théo et Hugo ne les ferme pas aux autres. Et puis, pour être honnête, nous avions peur que l’on s’ennuie si l’on restait qu’entre les deux personnages principaux. Même si certains spectateurs auraient visiblement préféré.

Contrairement à vos films précédents, aucune tête d’affiche n’est présente au casting. Pourquoi ?
Olivier Ducastel : On ne pouvait faire ce film qu’avec des acteurs inconnus. Avec des comédiens connus, il aurait fallu négocier sur chaque baiser, chaque plan sur les fesses… Cela n’aurait pas été possible surtout avec la scène du début dans la backroom… Si l’on avait eu un Pierre Niney dans cette séquence d’ouverture, tout le monde aurait tout de suite identifié le personnage et cela aurait enlevé de son intérêt puisque l’idée est que le spectateur se demande qui sont Théo et Hugo. En plus, nous voulions des gens qui adhèrent totalement à notre projet de représenter l’amour de la façon la plus simple possible et, là aussi, il aurait été difficile de trouver des acteurs partants. Lorsque nous avons rencontrés ces deux jeunes comédiens au casting, cela a été évident. Ils dégagent une telle complicité, c’est incroyable.

Réaliser un film gay, est-ce toujours un acte militant de nos jours ?
Olivier Ducastel : Faire un film gay en France en 2016 revêt, dans un sens un aspect militant oui. Après, pour ce qui est du courage, il vient surtout des producteurs, exploitants, diffuseurs, programmateurs…
Jacques Martineau : On n’a pas pensé ce film comme un geste militant. Mais si cela est considéré comme tel, cela nous convient. Aujourd’hui, il y a une répression très forte en France au niveau de la sexualité notamment. Donc, il ne faut pas hésiter, par la culture, à combattre cela, à provoquer pour faire bouger les lignes. D’ailleurs, je dois avouer que suis un peu déçu que Promouvoir (ndlr : une association proche des milieux catholiques intégristes) n’ait encore rien dit au sujet de ce film…

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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