People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 03/12/2019

Rencontre avec Valérie Donzelli

C’est avec sa double casquette de comédienne et de réalisatrice que Valérie Donzelli est venue nous parler de sa nouvelle comédie fantaisiste Notre-Dame.

Comment Notre-dame a vu le jour ?
Après le drame Marguerite et Julien qui était très tragique, mes producteurs m’ont conseillé de revenir à un projet plus en lien avec ma propre vie et dans lequel je jouerais le rôle central. Cela tombait bien car j’avais très envie de rejouer dans un de mes films. J’ai alors commencé à écrire un premier scénario intitulé Taille de guêpe qui s’intéressait au parcours d’une réalisatrice. Mais je me suis rendue compte que ce que j’écrivais était vraiment trop proche de moi et que la distance entre autobiographie et fiction n’était pas la bonne. J’ai donc remplacé le cinéma par l’architecture. Deux métiers qui ont des points communs. Il s’agit en effet de mener un projet avec un budget et des délais à respecter, on prend le risque de voir son œuvre critiquée, etc. Avec cette profession, je mettais ainsi une certaine distance entre mon expérience et mon héroïne, Maud Crayon. Un personnage à l’énergie folle, incapable de s’arrêter, qui court en permanence sans savoir après quoi.

Pour autant, demeure t-il des aspects autobiographiques ?
Il subsiste un côté autobiographique puisque j’ai moi même fait des études d’architecture avant de me lancer dans le cinéma. Puis, j’ai également des enfants. Par ailleurs, il s’agit d’un film qui traite de l’échec et d’une certaine manière, Notre-Dame est une façon pour moi de sourire de l’échec de mon précédent film Marguerite et Julien. Je voulais montrer que l’échec peut être un moteur dans la vie.

Pourquoi ce choix du parvis de Notre-Dame de Paris comme espace central de votre film ?
L’idée était de traiter de l’histoire d’un échec lié à l’architecture. J’ai donc pensé que ce qui pouvait faire scandale aujourd’hui était de vouloir apporter de la modernité à un monument ancien, historique et emblématique. Le parvis de Notre-Dame était le seul endroit qui me paraissait pertinent pour cela, car il est symbolique de Paris et permet d’imaginer un projet architectural. Je me suis beaucoup renseignée sur les nombreuses polémiques autour d’aménagements urbains à Paris : le plug de Paul McCarthy place Vendôme en 2014, Beaubourg, la Pyramide du Louvre, etc. C’est finalement le concours de l’Opéra Bastille et le scandale autour des colonnes de Buren dans la cour d’honneur du Palais-Royal qui m’ont le plus inspirés. Je ne suis pas une conservatrice dans l’âme. Mais je conçois que les gens aient peur d’être bousculés. Selon moi, il faut faire confiance en l’art, en l’avenir. C’est un peu le message du film.

Qu’avez-vous pensé le 15 avril dernier en voyant la cathédrale brûler ?
J’étais bouleversée. J’ai filmé ce monument parce que je l’aime. J’ai vécu avec lui durant tout la longue écriture de ce film. J’allais souvent le voir. Je m’y suis vraiment attaché. J’ai ressenti cet incendie comme une blessure intime.

Etait-ce important pour vous de revenir à la comédie ?
Tout à fait. J’avais vraiment envie de renouer avec la comédie. Réaliser un film dramatique peut être éprouvant et honnêtement, je ne suis pas pressée de recommencer pour le moment. J’avais donc besoin et envie de légèreté. Je suis quelqu’un d’assez joyeux dans la vie et j’ai une certaine tendance à m’ennuyer avec la réalité. J’ai aussi conscience de la violence dans laquelle nous vivons et j’ai peut être une faculté particulière à me raconter des histoires pour cette raison. Pour échapper à cela. Ce film est vraiment une comédie post-attentats de 2015. Cette année-là, la ville et les gens ont réellement été meurtris. Sans compter qu’au terrorisme, se sont ajoutés la crise du logement, la crise écologique, etc. Tout cela va crescendo. Le climat est vraiment anxiogène. Face à cette montée en puissance du négatif, à ce contexte pesant, il me semblait qu’il fallait apporter un peu de légèreté, de fantaisie, d’amour, sans pour autant occulter totalement le contexte de violence actuel. 

Etait-ce délibéré dès le départ de vous engager dans un comédie qui flirt avec l’absurde, le burlesque ?
Je travaille assez dans l’insouciance, donc je m’autorise finalement assez facilement et naturellement à m’orienter vers le farfelu. J’aime faire croire à l’invraisemblable et ce qui est extraordinaire avec le cinéma, c’est qu’il le permet. Selon moi, quand on a une idée, il faut aller jusqu’au bout. J’avais envie de faire une comédie de mœurs, romantique, avec du marivaudage, un côté féérique, du fantastique… Une mélange des genres.

Comment le choix du casting s’est-il fait ?
Le choix s’est fait en discutant avec ma productrice Alice Girard. J’avais vraiment envie de travailler avec des comédiens que j’aime et qui se complètent. Au final, on a été très intuitives. En plus, j’avais comme idée d’offrir à chacun un rôle qui soit un peu à contre-emploi. J’ai eu envie de me faire plaisir à ce niveau là. Il fallait également trouver le bon équilibre entre chaque acteur.

Aviez-vous des références particulières en tête en réalisant Notre-Dame ?
Lorsque je fais un film, je ne cherche pas à copier quiconque. Mais c’est vrai que l’on est forcément nourri d’influences. Evidemment, j’adore les films de Jacques Demy. Sa part enfantine. Sa capacité à parler de choses sérieuses avec légèreté, poésie. Je pourrais aussi citer François Truffaut, Eric Rohmer, Agnès Varda. Mais aussi les frères Larrieu. Pour Notre-Dame, on me dit souvent qu’il y a un côté Fabuleux Destin d’Amélie Poulain. Pour ma part, j’ai surtout pensé à Alice de Woody Allen. 

Avez-vous d’ores et déjà de nouveaux projets en préparation ?
J’ai plusieurs sujets de film en tête mais je garde cela pour moi pour le moment. En revanche, je réalise la série Nona et ses filles qui sera diffusée sur Arte en 2020. Une histoire autour de la grossesse, qui peut être perçue comme un super pouvoir, mais aussi un super poison.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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